Je revois encore une scène de cette journée mémorable: j'étais assis dans le fauteuil Voltaire, je parlais avec feu, avec gaîté, et ma mère, accroupie devant moi, me déchaussait tout doucement et me passait mes savates, car elle sait bien que je n'aime pas rester une couple d'heures à la maison sans mettre des pantoufles et de vieux habits.

L'église bondée de foule, la chaleur étouffante, le violent parfum de l'encens, l'harmonieux rugissement de l'orgue, les innombrables lumières des cierges qui semblaient une pluie d'or immobilisée, je revois et je ressens tout cela comme si j'y étais encore.

Je revois encore la comtesse, plus blanche qu'un spectre, j'entends toujours sa voix frémissante, et c'est presque textuellement que je vous rapporte ses paroles: "

Je revois encore, après tant d'années, l'éclairage sinistre qui persistait à l'horizon ce soir-là.

quand je revois Tous ses charmes comme autrefois! N'était si belle femme au monde! Bref, elle était jeunette et blonde, Au regard doux, sade et plaisant, Au corps rondelet, svelte et gent.

Aujourd'hui, je la revois, cette pauvre femme et je revois sa vie si déréglée, si triste, avec ce mari si lâche, si mornement lâche...

je revois cette belle Italie sans plaisir.

Aujourd'hui, à quatre heures, sur cet oreiller, à la lueur du grand cierge pascal peint et doré que le pape donna à son père, je revois la tête du pauvre enfant, avec de grands bleuissements sous ses yeux fermés, avec l'affreuse rétractation de ses lèvres violettes, sur le blanc des dents. Je la revois, à neuf heures, cette tête aimée, blanche de la pâleur d'un lys flétri, qui serait éclairé par un clair de lune.

Je revois Daudet, dans une espèce d'allégresse, de bonheur exalté produit par le travail, et qui ressemble à de la griserie: un état très particulier et que je n'ai constaté que chez lui.

Je revois encore, au nº 60 de la rue de la Victoire, la petite porte verte, armée de faisceaux consulaires, qui s'ouvrait sur l'allée de la maison et conduisait à l'hôtel.

Je revois ces grands corps étendus, ces faces pâles, ces yeux retournés.

Je revois, avec une émotion attendrie, les êtres aimés et le milieu de mes habitudes de préférence: cette salle à manger et ce cabinet de travail.

Je revois encore les eaux limpides qui s'échappent de ces bosquets, et surmontant leurs digues, s'épanchent en cascades dans les prairies verdoyantes qui bordent la route.

Oui, je vois, je revois, j'adore...

Je revois encore, au-dessus de sa cravate mauve, soyeuse et gonflée, le doux étonnement de ses yeux auxquels elle avait ajouté sans oser le destiner à personne mais pour que tous pussent en prendre leur part un sourire un peu timide de suzeraine qui a l’air de s’excuser auprès de ses vassaux et de les aimer.

j'admire le beau lever du soleil, je revois encore une fois les têtes blondes et les yeux bleus des enfants des colons, et à sept heures je suis à la gare.

Je revois toujours la bouche grande ouverte de celui qui portait sur ses yeux des boules de cuivre avec une fente de grelot ou de tirelire;

Sémonville disait: Je revois le temps du Directoire.

Dans le silence des églises je revois mes parents, je pense à leur fin tragique, à tous mes malheurs;

Je revois dans ce vieux président Fufidius, qui prêtait son argent à cinq pour cent par mois; et Marsoeus, qui donna sa maison paternelle à la comédienne Origo, revit dans ce garçon de famille, qui mange avec une femme de théâtre une maison de campagne qu'il a près de l'Escurial.

je revois le ciel bleu que nous voyions par taches à travers les branches des pommiers.

En ce moment encore, je revois ce brouillon, et je pourrais vous en dire les virgules et les ratures.

je revois Paulo, Francesca, Dante, Virgile, et les ombres et les damnés;

Je revois Francine.

Dès que je le veux, je revois ma cousine la présidente dans ses moindres détails, et, certes, ce n'était pas une physionomie à la douzaine.